Auteure : Nora Denamiel, étudiante en Droit aérien
Si la modernité des modes de transport ouvre désormais de nouvelles perspectives d’exploration du globe par l’homme, elle soulève toutefois des problèmes de cohabitation de la faune et de la flore adjacentes aux aérodromes et aéroports. Il existe en effet dans ces structures aéroportuaires des zones, précisément délimitées, où l’exploitation humaine est restreinte. Ces zones sont recouvertes de ce qui est communément appelé « prairies aéronautiques » dans lesquelles la biodiversité peut s’épanouir dans un environnement presque totalement naturel.
La prévention du péril animalier sur les aéroports et aérodromes, est définie par le Code de l’aviation civil. Il s’agit des mesures mises en œuvre visant à « réduire les risques de collision entre les aéronefs et animaux, lors des opérations de décollage et d’atterrissage[1] ». À ce jour, le péril animalier est une menace considérée sérieuse par les organisations internationales européennes et nationales[2]. C’est notamment en 2009, lorsque le vol US Airways a conduit à l’amerrissage de l’appareil sur le fleuve d’Hudson à la suite de l’introduction de bernaches du Canada (espèce de grands oiseaux) dans les moteurs, que la voie à de nouvelles procédures et nouveaux règlements a été ouverte.
Néanmoins, cette exigence de sécurité des vols crée un double enjeu pour les exploitants du secteur aéronautique, et s’accompagne d’une réelle préoccupation environnementale : celle de la préservation de la biodiversité présente sur et aux alentours des aérodromes.
Ce volet de la sécurité aérienne que l’on retrouve à l’annexe 14 de l’Organisation internationale de l’Aviation Civile[3], existe également au niveau de l’Union Européenne. C’est notamment le règlement n°139/2014 de la Commission du 12 février 2014[4] qui impose aux États membres de mettre en place des mesures de protection autour et sur les aérodromes.
En droit interne, l’arrêté du 10 avril 2007 relatif à la prévention du péril animalier sur les aérodromes prévoit entre autres, des actions d’effarouchement et de prélèvement des espèces, par des dispositifs acoustiques ou optiques, des prélèvements, ou même des tirs (inoffensifs) lorsqu’un risque de collision existe.
Ces prélèvements doivent toutefois être autorisés en vertu de l’article L.411-2 du code de l’environnement et de la circulaire DNP/CFF n°2008-01 du 21 janvier 2008 relative aux décisions administratives individuelles relevant du ministère chargé de la protection de la nature dans le domaine de la faune et de la flore sauvages.
Les aéroports ont ainsi vu naître des unités de Prévention du Péril Animalier (PPA) qui sont en charge des différentes mesures pour éviter les incursions sur pistes des espèces animales.
Le Service Technique de l’Aviation Civile (STAC),[5] organe de la Direction Générale de l’Aviation Civile[6] (DGAC), peut élaborer des rapports d’activités et enquêtes, dans lesquels les moyens mis en œuvre par les exploitants d’aéroports, pour préserver la biodiversité environnante tout en continuant d’assurer une sécurité maximale du transport aérien, sont mis en exergue.
Dans un guide technique de septembre 2020 intitulé « Évaluation et suivi de la biodiversité sur un aérodrome[7] », le STAC expose les différentes méthodes d’évaluation du risque animalier, mais aussi des mécanismes permettant de favoriser la biodiversité et notamment l’existence de la faune sur et autour des aérodromes et aéroports. Il souligne qu’un « équilibre est à trouver », et préconise par exemple de remplacer le broyage par le fauchage (moins risqué pour la faune présente), d’établir des circuits de fauche vers l’extérieur pour ne pas piéger les animaux vers la piste, ou encore de supprimer l’usage de produits phytosanitaires (pesticides). Il ne s’agit donc pas ici d’améliorer la sauvegarde de la biodiversité au détriment du devoir de sécurité, mais d’intégrer la question de l’écosystème naturel pour converger vers une harmonie des deux préoccupations.
Pour valoriser et encourager les aéroports à une exploitation respectueuse de la faune et de la flore environnante, le label « Aérobio » créé par l’association Aéro Biodiversité[8], en collaboration avec l’autorité nationale compétente, la DGAC[9], est mis en avant.
Quatre enjeux y sont évalués :
L’association publie ainsi des rapports d’études nationaux sur les données fournies par les aéroports, en recensant notamment les différentes espèces existantes, parfois endémiques. Il n’est donc pas rare de voir les aéroports élaborer des rapports précisant en détail les dispositifs locaux d’effarouchement adaptés aux zones géographiques, ou encore les méthodes de protection de certains carnivores « régulateurs de rongeurs ».
Un exemple concret de cette approche proactive est fourni par l’Aéroport Marseille Provence qui précise notamment une hauteur maximale autorisée pour la fauche de la végétation autour des pistes. Cette mesure évite une surexcitation des espèces animales mais permet aussi une absence de brouillage des radars GPS présents sur la zone, destinés aux pilotes et aux tours de contrôle.[10]
Il existe trois niveaux de labélisation de l’aéroport :
« – Niveau 1 : connaître la biodiversité,
La temporalité limitée du dispositif (qui n’est attribué que pour 3 ans) récompense un effort durable dans lequel il est nécessaire de persévérer et d’évoluer. Le label incarne finalement la possibilité d’une coexistence harmonieuse entre préservation de la biodiversité et efficience des systèmes de sécurité aéroportuaires.
[1] Article D213-1-14 du Code de l’aviation civile. Il peut exister un péril animalier en vol, mais qui concerne cette-fois surtout, les constructeurs d’aéronefs.
[2] On retrouve de même la prévention du risque animalier à l’annexe 19 de de l’OACI relatif à la sécurité de l’aviation civile. La Direction Générale de l’Aviation Civile publie également des guides techniques, en collaboration avec le Service Technique de l’Aviation Civile. Ceux-ci permettent de préciser les mesures à mettre en place mais également les certifications nécessaires aux aéronefs pour résister aux collisions animalières.
[3] Organisation internationale dépendante de l’Organisation des Nations Unies, et qui élabore les normes internationales pour l’aviation civile dans le monde.
[4] Règlement (UE) n°139/2014 de la Commission du 12 février 2014, établissant des exigences et des procédures administratives relatives aux aérodromes conformément au règlement (CE) n°216/2008 du Parlement européen et du Conseil.
[5] Le STAC se prononce sur les questions techniques pour la DGAC et les différents ministères.
[6] Direction Générale de l’Aviation Civile : elle-même directement liée au ministère de la Transition écologique. Elle peut elle-même publier des guides destinés aux exploitants des aéronefs.
[7]DGAC et STAC :
[8]Association reconnue d’intérêt général, dont les membres fondateurs sont la DGAC, Air France, et le Muséum National d’Histoire Naturelle.
[9]« Biodiversité Aéroportuaire », Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires ; Ministère de la Transition énergétique. (https://www.ecologie.gouv.fr/biodiversite-aeroportuaire)
[10]https://www.bouches-du-rhone.gouv.fr/content/download/39385/223426/file/04_Moyens%20_prevention-perturb-destru_PPA_AMP.PDF
[11]Présentation du dispositif sur https://aerobiodiversite.org