Auteure : Julie Nicolas, doctorante
Le 10 février 2024, le nouveau Règlement sur le bien-être et la sécurité des animaux domestiques de compagnie et des équidés est entré en vigueur au Québec. Ce nouveau règlement est notamment venu, aux termes de ses articles 17 et 67, encadrer la pratique de l’euthanasie des animaux domestiques de compagnie par les médecins vétérinaires québécois.
Ainsi,
a) concernant l’auteur :
b) concernant les méthodes :
L’article 17 consacre l’interdiction de l’euthanasie des animaux domestiques de compagnie par inhalation.
De son côté, l’Ordre des médecins vétérinaires du Québec recommande de longue date à ses membres de préférer la pratique de l’euthanasie des chats et des chiens par injection de barbituriques. En effet, il considère que cette méthode d’euthanasie est rapide, engendre le minimum de douleur possible, est sécurisante pour la personne qui réalise l’euthanasie, et est plus supportable pour le potentiel témoin. L’Ordre précise toutefois que l’euthanasie réalisée à l’aide d’une arme à feu est une méthode qui demeure acceptable, à condition qu’il s’agisse d’une pratique ponctuelle de la part du médecin vétérinaire réalisée par un « opérateur expert », et justifiée par une indisponibilité ou une inaccessibilité des services d’euthanasie par barbituriques.
Il est par ailleurs intéressant de noter que l’article 67 du nouveau règlement oblige désormais les exploitants d’animalerie, les propriétaires ou les gardiens de chats ou de chiens « dans le cadre d’activités commerciales de reproduction ou d’élevage » ainsi que les exploitants de fourrière, de services animaliers, ou encore de refuges, à tenir un registre dans lequel doit figurer une compilation annuelle précisant le nombre d’animaux euthanasiés et les raisons de ces euthanasies.
Les différents textes juridiques applicables en droit français ne définissent pas l’euthanasie vétérinaire et ne viennent pas encadrer spécifiquement la réalisation de cette pratique à l’égard des animaux domestiques de compagnie. Si l’article R.214-22 du Code rural et de la pêche maritime impose au ministre chargé de l’Agriculture de prendre un arrêté afin de déterminer « les conditions dans lesquelles, selon les espèces, il est procédé à l’euthanasie des animaux de compagnie, par des personnes détenant les compétences nécessaires, dans des conditions limitant les souffrances infligées. », cet arrêté n’a cependant jamais été pris par le ministre compétent.
Il existe toutefois des dispositions législatives et réglementaires sur lesquelles les vétérinaires français s’appuient afin de pratiquer l’euthanasie des animaux domestiques de compagnie.
a) les motifs d’euthanasie
L’ article R.242-48 au sein du Code rural et de la pêche maritime consacré aux devoirs du vétérinaire envers ses clients, lequel dispose notamment que « V.-Lorsqu’il se trouve en présence ou est informé d’un animal malade ou blessé, qui est en péril, d’une espèce pour laquelle il possède la compétence, la technicité et l’équipement adapté, ainsi qu’une assurance de responsabilité civile professionnelle couvrant la valeur vénale de l’animal, il s’efforce, dans les limites de ses possibilités, d’atténuer la souffrance de l’animal et de recueillir l’accord du demandeur sur des soins appropriés. En l’absence d’un tel accord ou lorsqu’il ne peut répondre à cette demande, il informe le demandeur des possibilités alternatives de prise en charge par un autre vétérinaire, ou de décision à prendre dans l’intérêt de l’animal, notamment pour éviter des souffrances injustifiées. ».
Néanmoins, comme le rappelle l’article susvisé , la seule personne pouvant décider d’euthanasier un animal domestique de compagnie est la personne détentrice de cet animal.
Ensuite, en application de l’article R.655-1 du Code pénal qui punit le fait de donner volontairement la mort à un animal domestique ou apprivoisé ou tenu en captivité sans nécessité, l’euthanasie des animaux domestiques de compagnie doit impérativement être reliée à la notion de nécessité puisque cet acte vétérinaire consiste bien à donner volontairement la mort à ces animaux.
Enfin, le Code rural et de la pêche maritime rend nécessaire la réalisation de l’euthanasie de certains animaux domestiques de compagnie lorsqu’ils sont de nature à présenter un danger pour la sécurité publique ou pour la santé publique. On peut notamment évoquer à ce titre le cas des animaux dangereux et errants présentant un « danger grave et immédiat pour les personnes ou les animaux domestiques », ou encore le cas des animaux domestiques de compagnie infectés par la rage.
b) les méthodes d’euthanasie
Bien que l’euthanasie se distingue de la mise à mort ou du sacrifice, la réalisation de l’acte d’euthanasie par les vétérinaires français s’appuie sur l’encadrement juridique de ces deux pratiques. Ainsi, l’article 11 de la Convention européenne pour la protection des animaux de compagnie, applicable en France, encadre le sacrifice d’animaux de compagnie. Il prévoit notamment qu’un tel sacrifice « doit se faire avec le minimum de souffrances physiques et morales en tenant compte des circonstances » ; et il interdit l’utilisation de la noyade et des autres méthodes d’asphyxie, l’utilisation de poison ou de drogue dont le dosage et l’application ne peuvent pas être contrôlés de manière à engendrer le minimum de souffrances physiques et morales à l’animal, ainsi que l’utilisation de l’électrocution comme méthodes de sacrifice.
De son côté, le Code rural et de la pêche maritime encadre notamment la mise à mort des animaux utilisés à des fins scientifiques et impose dans cette hypothèse de limiter au maximum la douleur, la souffrance, et l’angoisse de l’animal.
Il est par ailleurs intéressant de mentionner que, durant l’été 2020, le comité d’éthique Animal, Environnement, Santé du Conseil national de l’Ordre des vétérinaires français a rendu un avis au sujet de l’euthanasie. À l’occasion de cet avis, le comité d’éthique a entendu distinguer les euthanasies considérées comme étant nécessaires des euthanasies problématiques, et a formulé plusieurs recommandations afin d’aiguiller les vétérinaires français dans leur réalisation de cette pratique aux fortes incidences éthiques et de pousser les ministères compétents à mieux encadrer cet acte vétérinaire.
En réponse à cet avis du comité d’éthique, le Conseil national de l’Ordre des vétérinaires en France a proposé une définition de l’euthanasie vétérinaire selon laquelle « L’euthanasie animale est un acte vétérinaire consistant à provoquer la mort d’un animal par voie parentérale en entrainant une perte de conscience rapide et irréversible garantissant un minimum de douleur et de détresse, réalisé conformément aux bonnes pratiques professionnelles. Le vétérinaire procède à l’euthanasie animale après avoir évalué sa nécessité et obtenu le consentement éclairé du détenteur. L’acte d’euthanasie animale peut être justifié par une raison médicale (un état de santé, une souffrance intense ressentie par l’animal ou son entourage), par une raison règlementaire, par une raison impérieuse d’intérêt général sanitaire ou environnementale. ». En outre, le Conseil national de l’Ordre des vétérinaires français a recommandé l’inscription de cette définition de l’euthanasie vétérinaire dans la partie législative du Code rural et de la pêche maritime. Malheureusement, ces recommandations n’ont pas encore donné lieu à l’adoption de dispositions législatives, ou à défaut réglementaires, en ce sens.