Auteure : Claire Hermand, juriste
Le 23 août 2022, l’Espagne est devenue le premier pays de l’Union européenne à rendre obligatoire la vidéosurveillance dans l’ensemble de ses abattoirs.
Cette mesure était portée depuis plusieurs années par l’ONG Equalia, qui a milité auprès des professionnels du secteur et des pouvoirs publics pour l’adoption d’un protocole qu’elle a élaboré avec les services vétérinaires du secteur de la viande, et qui avait déjà été accepté par plusieurs acteurs importants de la filière.
Ce protocole contient trois mesures phares :
Ces propositions ont été d’autant mieux accueillies qu’elles venaient en réponse à des défaillances majeures qui avaient été constatées lors de multiples enquêtes menées dans des abattoirs espagnols par cette même ONG[1].
Cette opération de lobbying réussie a emporté la mobilisation et l’adhésion nécessaires pour pousser l’Espagne à légiférer au niveau national, par le biais d’un décret royal[2] qui officialise l’obligation d’équiper l’ensemble des abattoirs espagnols, quelle que soit leur taille, en vidéosurveillance.
Publié le 24 août 2022, ce décret entrera en vigueur le 24 août 2023, laissant ainsi un an aux plus gros établissements pour se mettre en conformité avec cette nouvelle exigence. Les plus petits disposeront quant à eux d’un délai de deux ans.
On se souvient qu’en 2016, la France avait également envisagé la mise en place de la vidéosurveillance obligatoire dans les abattoirs, à la suite d’une commission d’enquête parlementaire déclenchée par la diffusion des vidéos de l’association L.214, qui mettaient en lumière les abus et la maltraitance qui avaient cours dans certains de ces établissements. Cette mesure, initialement incluse dans la proposition de loi Falorni et adoptée en première lecture à l’Assemblée nationale en janvier 2017, avait finalement été laissée de côté par les députés, considérée comme trop intrusive pour les salariés.
Plusieurs pays ou provinces ont pourtant déjà imposé la vidéosurveillance en abattoirs : l’Israël, la Flandre, la Wallonie, l’Angleterre et Uttar Pradesh (Inde)[3].
Or, à ce jour, la vidéosurveillance dans les abattoirs français reste facultative et surtout très minoritaire[4]. En effet, l’article 71 de la loi EGalim[5] a prévu un dispositif de contrôle par vidéo des postes de saignée et de mise à mort, déployé dans les abattoirs à titre expérimental et sur la base du volontariat, or seuls cinq abattoirs se sont portés volontaires. Le rapport du comité de suivi de cette expérimentation indique pourtant que les abattoirs qui y ont participé en ont été très satisfaits et entendent maintenir ces systèmes en place pour l’avenir[6]. Au demeurant, une cinquantaine d’abattoirs français ont déjà installé des dispositifs de vidéosurveillance de leur propre initiative[7], généralement à la demande de leurs clients (grande distribution ou chaînes de restauration rapide). Le constat semble relativement unanime : lorsque la vidéosurveillance est axée vers l’animal et non vers les personnes, qu’elle est utilisée pour contrôler l’absence de signes de vie ou de conscience et non pour blâmer des opérateurs, et lorsqu’elle est associée à la formation et à l’encadrement appropriés, elle devient un véritable atout pour améliorer le bien-être animal dans les abattoirs.
[1]https://www.eurogroupforanimals.org/news/spain-becomes-first-eu-country-legislate-installation-video-surveillance-cameras-all
[2] https://www.boe.es/diario_boe/txt.php?id=BOE-A-2022-14057
[3] https://oaba.fr/controle-video-abattoirs/
[4]https://www.30millionsdamis.fr/actualites/article/22648-bien-etre-animal-des-cameras-dans-tous-les-abattoirs-espagnols/ ; https://welfarm.fr/abattoirs-videosurveillance-fesneau-espagne/
[6]https://agriculture.gouv.fr/comite-de-suivi-et-devaluation-de-lexperimentation-du-dispositif-de-controle-par-video-dans-les
[7]Sur un total d’environ 270 abattoirs de boucherie et 600 abattoirs de volailles