Auteure : Manon Rochette-Castel, juriste
L’interdiction de la captivité des cétacés à des fins récréatives
L’Assemblée nationale a adopté fin janvier 2021, en première lecture, la Proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la maltraitance animale. Parmi les dispositions adoptées, une était particulièrement attendue des opposants à la détention en captivité de cétacés.
En effet, dans l’Union Européenne, 14 pays n’ont pas ou plus de delphinariums mais la France est, avec l’Espagne et les Pays Bas, le pays qui détient (dans 3 bassins en France métropolitaine et 1 en Polynésie) le plus grand nombre de cétacés captifs.
Si des règles de fonctionnement, de contrôle et les caractéristiques auxquelles doivent répondre les installations abritant des cétacés sont, notamment aux termes de l’arrêté du 24 aout 1981, prévues, la science estime aujourd’hui que, quelles que soient ces règles, les cétacés ne sont pas aptes à vivre en captivité.
Leurs conditions de vie sont donc contraires à l’impératif de l’article L214-1 du Code rural et de la pêche maritime qui dispose que « tout animal étant un être sensible doit être placé par son propriétaire dans des conditions compatibles avec les impératifs biologiques de son espèce ».
Plusieurs députés se sont donc mobilisés depuis 2015 afin d’interdire les delphinariums. En mars 2015, la députée Europe Ecologie Les Verts (EELV) Laurence Abeille avait déposé, dans le cadre des débats sur la loi biodiversité[1], un amendement en ce sens. L’amendement avait été rejeté, mais le gouvernement Valls II entendait « faire des propositions » pour que « la réglementation soit réexaminée »[2].
En mai 2017, Ségolène Royal, alors ministre de l’Environnement, et Barbara Pompili, secrétaire d’État chargée de la Biodiversité, tentent de faire évoluer la réglementation concernant les installations abritant des cétacés. L’arrêté ministériel du 3 mai 2017 vient alors abroger l’arrêté du 24 août 1981 relatif aux règles de fonctionnement, au contrôle et aux caractéristiques auxquelles doivent satisfaire les installations abritant des cétacés. Il prévoyait notamment l’interdiction de la reproduction des cétacés détenus et l’amélioration des conditions de leur détention. Mais par une ordonnance du 1er août 2017, le juge des référés du Conseil d’État suspend l’exécution de l’arrêté, contesté par les delphinariums, en tant qu’il prévoyait l’interdiction de l’utilisation des produits chlorés dans un délai de six mois à compter de son entrée en vigueur : le Conseil d’État juge un défaut d’urgence. Il annule définitivement l’arrêté en janvier 2018 au motif d’une procédure irrégulière. C’est donc le retour au statu quo ante…
Aujourd’hui, alors que Barabara Pompili est Ministre de la Transition écologique, des dispositions prévoyant l’interdiction de la captivité des cétacés à des fins de divertissement figurent dans la proposition de loi qui a été adoptée par l’Assemblée nationale.
L’article 12 de cette proposition vient compléter le chapitre Ier du titre Ier du livre II du Code rural et de la pêche maritime, par l’insertion d’une section 6 dont l’article L. 211-34 concerne les cétacés :
– l’alinéa 10 de la proposition de loi prévoit explicitement qu’il est interdit de détenir en captivité des spécimens de cétacés (sauf à des fins cliniques ou à des fins de recueil) ;
– les établissements autorisés à détenir des cétacés à ces fins exceptionnelles ne pourront faire participer les spécimens à des spectacles, ni les faire se reproduire (alinéas 11 et 12) ;
– toute nouvelle acquisition de cétacé par un établissement autre que ceux ayant une finalité de soins ou de recueil est interdite (alinéa 13) ;
– enfin, il est précisé à l’alinéa 19 de cet article 12 que ces dispositions entreront en vigueur dans un délai de sept ans à compter de la promulgation de la loi, excepté pour la détention d’orques Orcinus orca, pour laquelle ces dispositions entreront en vigueur deux ans après la promulgation de la loi.
En attendant l’entrée en vigueur de ces dispositions, un nouvel article 15 bis de la proposition de loi prévoit la remise au Parlement par le Gouvernement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, d’un rapport évaluant le coût global de cette réforme concernant les cétacés « l’opportunité, la possibilité juridique et les impacts budgétaires » de la création d’établissements de soins des cétacés ou de sanctuaires, ainsi que l’intérêt d’une mission scientifique attribuée à ces établissements afin de comprendre « les phénomènes d’échouage de cétacés aux causes multifactorielles encore méconnues ».
Les futures conditions d’accueil au sein de ces établissements de soins n’ont pas encore été étudiées. Notons également qu’aucune disposition concernant l’amélioration des conditions actuelles de détention n’a été prise en attendant le délai d’entrée en vigueur de cette loi. Enfin, le texte vise uniquement les cétacés et non l’ensemble des mammifères marins.
C’est tout de même une avancée considérable qui, si ces dispositions sont définitivement adoptées, marquera vraisemblablement la fin des delphinariums et de la captivité de tous les cétacés à des fins de divertissement.
[1] LOI n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages
[2] https://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2014-2015/20150186.asp#P484601