Auteure : Angélique Debrulle
Dans une note[1] publiée le 3 décembre 2020, nous avons analysé la situation d’Happy, une éléphante de 50 ans détenue dans un enclos du zoo du Bronx où elle vit seule depuis le décès de sa compagne, Maxine, en 2006.
Le NhRP (Nonhuman Rights Project) s’est donné pour objectif d’obtenir la reconnaissance de la personnalité juridique d’Happy ainsi que sa libération en vue de lui permettre de poursuivre sa vie dans une réserve naturelle. Happy fait preuve de capacités cognitives exceptionnelles et est le premier éléphant à avoir réussi le test du miroir, épreuve permettant de démontrer qu’un animal a conscience de lui-même.[2]
Le 17 décembre 2020, la Division d’appel de la Cour suprême de l’Etat de New-York a rejeté la demande de libération d’Happy. Les motifs de la décision tiennent sur à peine une page[3] et s’appuient sur une jurisprudence précédente (Lavery) initiée également par le NhRP.
Cette décision n’est pas surprenante compte tenu des réactions des magistrats lors de l’audience de plaidoirie. Il y est indiqué que la procédure d’habeas corpus ne s’applique pas en l’espèce, Happy étant un animal.
Les magistrats considèrent en effet que la procédure d’Habeas corpus est une construction juridique créée pour l’Homme. Dès lors, si une décision judiciaire devait préciser que d’autres espèces que l’Homme sont des « personnes », et bénéficient de certains droits, cela mènerait à une série de questions inextricables auxquelles les procédures de common law ne sont pas à même de répondre.
La Cour confirme donc la position qu’elle a adoptée dans l’affaire Lavery en réaffirmant que « la décision de savoir si et comment intégrer d’autres espèces dans des constructions juridiques conçues pour les humains est une question « qui convient mieux au processus législatif ». »[4]
Si la déception éprouvée par le NhRP fut grande, cela n’a pas entamé sa détermination et la conviction qu’Happy doit se voir reconnaitre le droit à la liberté protégé par la procédure d’Habeas corpus. L’intention du NhRP d’introduire un recours devant la Cour d’appel de New York [5], la juridiction de dernier ressort de cet Etat, a immédiatement été annoncée par cette association.
Une motion en vue d’obtenir l’autorisation d’interjeter appel a été déposée le 27 janvier 2021 et nécessite l’approbation d’au moins deux juges, sur les sept, de la Cour d’appel pour que le recours soit traité. Seulement 5% des dossiers franchirait cette étape. L’approbation de la Cour d’appel, qui permettrait de débattre de cette question, serait dès lors un signal positif, à tout le moins, quant à l’intérêt que présente pour la société la question de la reconnaissance de certains droits à d’autres espèces que l’Homme.
La décision devrait être rendue dans les prochains jours. A ce stade, plusieurs échanges d’observations sur cette demande d’autorisation ont eu lieu entre le NhRP et le représentant du zoo (la Wildlife Conservation Society).
Affaire à suivre !
[2] Pour consulter un article sur le sujet : https://www.npr.org/templates/story/story.php?storyId=6412620&t=1616933997712
[4] the decisions of whether and how to integrate other species into legal constructs designed for humans is a matter “better suited to the legislative process.”
[5] New York Court of Appeal