Auteure : Angélique Debrulle
Le 14 juin 2022 et pour la première fois de l’histoire des Etats-Unis, la Cour d’appel de New York[1], la plus haute juridiction de l’état de New York, a eu à statuer sur une demande de libération en habeas corpus introduite au nom d’Happy, une éléphante d’Asie détenue au Zoo du Bronx.
La demande a été introduite par le Non human Rights Project (NhRP) qui tente, depuis plusieurs années, d’obtenir la reconnaissance du droit à la liberté pour certains animaux autonomes doués de capacité cognitives développées[2].
La Cour, composée de 7 juges et statuant en degré d’appel[3], a rejeté la demande en indiquant qu’il revient au législateur de se positionner sur cette question et non aux juridictions.[4]
Elle estime en effet qu’accorder à Happy la possibilité d’invoquer l’habeas corpus pour contester sa détention au zoo du Bronx aurait un impact déstabilisant sur la société moderne et remettrait en cause le droit de propriété sur les animaux, l’industrie agricole, la recherche médicale et, de manière générale, l’utilisation d’animaux. Elle prétend que les propriétaires d’animaux (fermiers, propriétaires d’animaux de compagnie, police, laboratoires, etc.) devront faire face à de nombreuses actions en vue d’obtenir la libération de ces animaux dans la mesure où :
A cet égard, la Cour précise que les deux juges (J. Wilson & J. Rivera) ayant émis une opinion dissidente n’ont identifié aucun standard intelligible qui permettrait de résoudre ces problèmes ce qui appuie la conclusion de la Cour selon laquelle la procédure d’habeas corpus n’est pas le forum approprié pour résoudre les litiges concernant la détention des animaux non humains.[6]
L’opinion dissidente du Juge Wilson insiste sur le fait que le champ d’application de la procédure d’habeas corpus est, à terme, défini par les juridictions (et non par le législateur) – ce que confirme expressément la Cour – et traduit cette flexibilité qui a permis aux juges, à travers l’histoire, d’être les instruments de l’innovation et de l’évolution sociale en considérant que la détention (confinment) de certaines personnes (esclaves, femmes mariées, enfants), alors même qu’elle était autorisée par la loi, était injuste et devait, par conséquent, mener à leur libération. [7]
A ce stade, le NhRP a manifesté sa volonté de continuer à se battre pour obtenir la reconnaissance de droits aux animaux non humains comme Happy. L’analyse des options est en cours et un éventuel recours devant la Cour suprême des Etats-Unis pourrait être envisagé.
[1] New York Court of Appeals
[2] Pour un article plus détaillé sur les arguments du NhRP : http://localhost:8888/IRIDDA-OLD/index.php/2020/12/03/happy-lelephante-en-route-vers-la-reconnaissance-de-la-personnalite-juridique/
[3] Voir la note concernant la décision de la Division d’appel de la Cour suprême de l’Etat de New-York : https://www.iridda-droit-animalier.org/happy-la-quete-vers-la-personnalite-juridique-continue/
[4] La décision de la cour et les opinions dissidentes sont disponibles sous ce lien : https://www.nycourts.gov/ctapps/Decisions/2022/Jun22/52opn22-Decision.pdf
[5] Voir en particulier les pages 12 et 13 de la décision.
[6] Tellingly, neither of our dissenting colleagues identify any intelligible standard upon which to resolve these labyrinthine issues, which buttresses our conclusion that habeas corpus – which exists to protect liberty interests – is not the appropriate forum to resolve disputes concerning the confinement of nonhuman animals.
[7] Page 4 de l’opinion dissidente.