Auteure : Pénélope Ehles, étudiante Master 2 Droit de l’environnement
Le dimanche 13 février 2022, les citoyens du canton de Bâle-Ville ont rejeté l’initiative populaire pour l’octroi de droits fondamentaux aux primates.
Cette décision fait suite à une initiative populaire lancée par l’association « Sentience Politics » afin d’introduire au § 11 de la Constitution cantonale, lequel précise les droits fondamentaux garantis par la Constitution fédérale et les engagements internationaux de la Suisse, la disposition suivante : « c. le droit des primates non humains à la vie et à l’intégrité physique et mentale. »
La Suisse est une démocratie directe : les citoyens peuvent soumettre à votation une proposition de modification de la Constitution, à l’échelle fédérale ou cantonale. Ces initiatives populaires sont fréquentes et permettent à la population de participer activement à la vie politique de leur pays ; elles peuvent également être à l’origine d’avancées sociétales notables.
L’initiative populaire peut notamment s’avérer être un dispositif utile en matière de protection animale. A titre d’exemple, c’est une initiative populaire fédérale qui avait inscrit en 1893 l’interdiction de l’abattage sans étourdissement[1] dans la Constitution fédérale de la Confédération suisse.
Pour qu’une initiative populaire cantonale soit valable et puisse être soumise à la votation, elle doit recueillir un nombre minimum[2] de signatures d’électeurs dans un délai de 4 mois
Pour être électeur, il faut néanmoins remplir plusieurs conditions : être âgé de 18 ans, être de nationalité helvétique, disposer de la capacité juridique et résider dans le canton. À noter que les Suisses résidant à l’étranger peuvent également prendre part aux votes sous certaines conditions.
La Constitution cantonale pouvant contenir des mesures plus contraignantes qu’à l’échelle fédérale, l’association « Sentience Politics» a fait usage de ce dispositif pour soumettre aux Bâlois et Bâloises la possible reconnaissance de droits fondamentaux aux primates. Pour l’association, cette proposition aurait permis que des bases éthiques soient posées et que « les intérêts des primates non-humains » soient pris en compte [3].
Toutefois, le vote, qui s’est tenu le 13 février 2022, a été marqué par un net rejet (74,74%) de l’initiative populaire avec un taux de participation des citoyens au vote de 50,97% [4].
Selon l’association, cette initiative avait pour but de permettre une application plus concrète de l’article 641a du Code civil helvétique distinguant les animaux des choses et de l’article 120 de la Constitution qui reconnaît « la dignité de l’animal « . Son approbation aurait ainsi donné lieu à la reconnaissance constitutionnelle d’un droit à la vie et d’un droit à l’intégrité physique et mentale des primates.
Par ailleurs, il est intéressant de préciser que le site Internet créé pour l’occasion, « Primaten-initiative.ch » indiquait qu’en cas de victoire, la votation n’aurait toutefois pas conduit à l’octroi de droits humains aux primates, la captivité n’aurait pas été abolie et les recherches médicales n’auraient pas été interdites.
[1] Cette interdiction figurait de 1893 à 1978 à l’article 25 b de la Constitution fédérale de la Confédération suisse et est désormais codifiée à l’article 21 de la Loi fédérale sur la protection des animaux.
[2] 2% pour l’initiative législative et 3% pour l’initiative constitutionnelle.
[3] Citation issue du site internet de l’association : https://sentience.ch/fr/initiatives/initiative-des-droits-fondamentaux-pour-les-primates/ [4] Résultat du vote : https://www.staatskanzlei.bs.ch/nm/2022-schlussresultat-der-eidgenoessischen-und-kantonalen-abstimmung-vom-13-februar-2022-stk.html
Cf aussi l’article du 15.04.2021 de M. Jean Marc Neumann, sur http://animal-et-droit.blogspot.com/