Auteure : Manon Rochette-Castel, juriste
Le Conseil des ministres d’Espagne, organe du gouvernement en charge de l’exécutif, a adopté le 18 février 2022 un projet de loi (qui doit désormais être approuvé par le Parlement pour entrer en vigueur) modifiant le Code pénal de 1995 en matière de maltraitance animale.
Cette modification du Code pénal espagnol comporte deux évolutions majeures.
La première consiste à étendre la liste des animaux protégés par le Code pénal pour y inclure les animaux sauvages vivant à l’état de liberté. En effet, si ce texte est adopté, les faits de maltraitance animale punis pénalement (et répertoriés ci-dessous) concerneront désormais tous les « animaux vertébrés » et non plus uniquement les animaux domestiques, apprivoisés ou tenus en captivité. [Exceptions faites des animaux utilisés dans le cadre de la tauromachie et des animaux objets d’actions de chasse puisque ces activités sont légalement réglementées.]
La seconde évolution majeure qu’implique la réforme porte sur la modification des peines encourues pour les faits de maltraitance, d’abandon et de mise à mort des animaux. Les cours et tribunaux espagnols ont constaté l’inefficacité des sanctions prises jusqu’à ce jour à l’encontre des auteurs de tels actes ainsi qu’une réelle difficulté à mettre en place des mécanismes de protection des animaux victimes de ces maltraitances. C’est pourquoi la réforme prévoit des peines minimales et maximales plus lourdes que celles énoncées dans le Code pénal actuel, à savoir :
Le projet de loi prévoit aussi que l’utilisation de l’animal dans le cadre de la commission d’autres infractions, telles que les violences sexistes et familiales, constitue désormais une circonstance aggravante, susceptible d’entraîner la confiscation de l’animal.
Par comparaison, en droit pénal français, seuls les sévices graves et les actes de cruauté commis sur un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité, sont qualifiés de délits et donc punis d’une peine d’emprisonnement (3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende selon l’article 521-1du Code pénal). Ont notamment été qualifiés de sévices graves ou d’actes de cruauté le fait de se livrer à des actes sexuels sur les animaux (Cour de cassation, chambre criminelle, sept. 2007, no 06-82.785), le fait de pendre un animal avec une ficelle (Tribunal correctionnel de Quimper, 03 juillet 2002), le fait de priver un animal de nourriture et d’eau ayant entrainé sa mort (Cour de cassation, chambre criminelle, 23 janvier 1989, no 87-90.298).
L’abandon de l’animal est puni des mêmes peines, alors que le Code pénal espagnol prévoit au plus une peine d’amende (cf c) ci-dessus).
Concernant le fait d’infliger volontairement la mort, sans nécessité, à un animal domestique, apprivoisé ou tenu en captivité, l’article R. 655-1 du Code pénal français prévoit une peine d’amende de 1 500 euros maximum (contravention de 5ème classe). Ont notamment été qualifiés d’atteintes volontaires à la vie d’un animal, le fait de tuer un animal par balles (Tribunal judiciaire de Melun, 3 novembre 2003) ou par empoisonnement (Tribunal de Sens, 4 janvier 2005). Le Code pénal espagnol prévoit quant à lui une peine d’emprisonnement pour les mêmes faits (cf b) ci-dessus).
Enfin, le Code pénal français distingue les mauvais traitements (sans intention perverse) des actes de cruauté et les punit d’une peine d’amende de 750 euros (contravention de 4ème classe d’après l’article R. 654-1). Ont été qualifiés de mauvais traitements le fait de laisser un animal dans une voiture sans aération pendant la canicule (Tribunal de police de Cherbourg, 9 décembre 2003), ou encore le fait de procéder à du piercing animalier (Tribunal de Nice, 05 septembre 2005). Le Code pénal espagnol prévoit quant à lui une peine d’emprisonnement ou une amende selon que ces infractions entrainent ou non la nécessité de soins vétérinaires (cf a) ci-dessus).
De ces quelques comparaisons, il semble donc que, hormis le cas de l’abandon de l’animal, le Code pénal espagnol, renforcé de plus par cette réforme, serait plus sévère que le Code pénal français, la réforme constituant une avancée majeure en ce qu’elle étend le champ d’application des infractions pénales en matière de maltraitance animale, à tous les animaux vertébrés.