Auteur : Eric Landot, avocat
L’administration peut-elle s’opposer à la détention d’un sanglier… de compagnie ? Deux fois NON (car avant « Rillette » il y avait déjà eu une autre affaire du même genre) [VIDEO et article]
1. S’applique un simple régime de simple déclaration pour qui veut avoir un sanglier de compagnie, et ce même si l’on pourrait débattre du point de savoir si la récupération d’un tel animal, blessé, en forêt, serait ou ne serait pas une infraction.
Un animal de compagnie peut être :
Pour le cadre législatif applicable, voir l’article L. 412-1 du code de l’environnement.
Ainsi dans la famille des suidés… note-t-on la présence du porc (Sus domesticus)… Bref, un cochon de base est un animal domestique.
Mais ce n’est pas le cas de son cousin le sanglier qui répond à un cadre plus strict :
NB voir ici le CERFA correspondant pour la déclaration : https://www.formulaires.service-public.fr/gf/cerfa_15967.do.
2. Premier tour de cochon (TA de Poitiers).
C’est en tous cas la position du juge des référés du TA de Poitiers :
« En vertu de l’annexe 2 à cet arrêté, la détention de mammifères de l’ordre des artiodactyles et de l’espèce Sus scrofa est possible sur le fondement d’une déclaration de détention dans la limite d’1 spécimen. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision contestée est erronée en droit en tant qu’elle se contente d’opposer à Mme Gestreau l’origine « illicite » de l’animal parait, en l’état de l’instruction, de nature à faire naître un doute sérieux sur sa légalité. En défense, l’administration fait valoir qu’en tout état de cause la décision contestée a pour motif la circonstance que le régime applicable en l’espèce n’était pas le régime déclaratif, mais celui de l’autorisation. Toutefois, en l’état de l’instruction et eu égard aux dispositions précitées, cette substitution de motif n’est pas de nature à dissiper le doute sérieux sur la légalité de la décision en litige.»
… d’ailleurs le mode d’acquisition de cet animal est assez charmant, ce qui influe sur le critère de l’urgence en référé suspension d’une manière qui n’est pas sans surprise :
« 4. Pour justifier de l’existence d’une situation d’urgence, XXX fait valoir qu’elle craint de voir l’animal saisi par les services de l’Etat en raison du rejet de sa déclaration et qu’en pratique, il encourrait alors en risque létal, alors qu’il s’est réfugié chez elle blessé, qu’elle l’a soigné, a créé un enclos dans sa propriété et s’est investi dans ce sauvetage. XXX fait également valoir qu’elle ne veut pas rester dans une situation illégale et il ressort de l’échange de courriels entre la requérante et les services de la direction départementale de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations produit au dossier, qu’il lui a été indiqué, le 4 août 2023, qu’il était interdit de récupérer un animal non domestique dans la nature et que cet acte pouvait « être sanctionné par une peine d’emprisonnement de 3 ans maximum et une amende de 150 000 € maximum ». Dans ces conditions et eu égard au délai prévisible d’intervention du jugement au fond, XXX justifie suffisamment d’une situation d’urgence, même si, à ce jour, les services préfectoraux ne lui ont pas notifié une saisie de l’animal alors que la décision contestée est en vigueur depuis le 4 août 2023.
TA Poitiers, ord., 21 décembre 2023, n° 2303271
3. Second tour de piste (Rillette au TA de Châlons-en-Champagne).
Mme Cappe (qui ne semble pas avoir opté pour l’anonymat) a découvert, au cours du mois de mars 2023, un marcassin réfugié à proximité de sa propriété.
Le marcassin devint, avec le temps, une laie, dûment stérilisée et vaccinée.
Mais l’homme est laid envers les laies.
La préfète de l’Aube a donc refusé l’inscription de cet animal et a informé la propriétaire de cet animal que la détention d’un sanglier n’était possible que s’il provenait d’un élevage connu et était né en captivité, offrant le choix entre l’euthanasie de l’animal ou son placement dans un parc de vision animalier (le Parc Astérix répond-t-il à cette qualification ?).
S’en est suivi une saga aussi longue que médiatique.
Pour la Préfète, le « sanglier [en cause], directement prélevé dans la nature, n’a pas d’origine licite et ne pourra jamais en disposer », dès lors que seuls les animaux provenant d’un « élevage [d’]origine connue » peuvent prétendre à une autorisation de détention.
En référé suspension, le juge a accepté d’y voir un cas d’urgence (risque d’euthanasie de l’animal après confiscation ; risque pénal).
Sur le moyen sérieux, le juge des référés de ce TA a posé que dans ce cadre juridique :
« la capture et la détention des animaux d’espèces non domestiques figurant dans la liste établie au titre de l’article L. 412-1 du code de l’environnement font chacun l’objet d’un régime de déclaration ou d’autorisation de l’autorité administrative, établi en fonction de la gravité de leurs effets sur l’état de conservation des espèces concernées et des risques qu’ils présentent pour la santé, la sécurité et la salubrité publiques. Le régime applicable à la détention, régi notamment par l’arrêté du 8 octobre 2018, vise uniquement à s’assurer que les conditions d’hébergement des animaux sont de nature à satisfaire à leurs besoins et ne portent atteinte ni à la santé, ni à la sécurité, ni à la tranquillité publiques. Il ne pose aucune condition relative aux modalités d’obtention de ces animaux, et n’exige notamment à aucun moment que ceux-ci soient nés et élevés en captivité. Par suite, il ne permet en lui-même pas d’opposer l’illicéité d’une telle obtention.
« 12. Par ailleurs, s’il s’applique sans préjudice des autres dispositions réglementaires relatives aux animaux d’espèces non domestiques, et notamment de celles relatives à la capture, qui intervient en amont de la détention et est soumise à un régime propre de déclaration, d’autorisation, ou le cas échéant d’interdiction, soit dans le cadre de l’article L. 412-1 du code de l’environnement soit dans celui des autres dispositions légales ou réglementaires relatives aux animaux d’espèces non domestiques, l’interdiction d’enlèvement de « petits de tous mammifères dont la chasse est autorisée » qui est posée par l’article L. 424-10 du code de l’environnement, qui s’applique aux sangliers, et sur laquelle se fonde la décision attaquée, n’est néanmoins pas absolue. Il résulte ainsi tant des dispositions de l’article L. 424-11 du code de l’environnement que de celles de l’arrêté du 7 juillet 2006 que les animaux vivants d’espèces dont la chasse est autorisée peuvent donner lieu à un prélèvement direct dans le milieu naturel, sous réserve de l’obtention d’une autorisation de prélèvement, destinée notamment à vérifier N° 2403226 6 que le prélèvement sollicité ne porte pas atteinte à la préservation de l’espèce en cause et n’est contraire ni à la santé humaine, ni à la santé animale, ni à la sécurité publique. Dans ces conditions, même au regard de la capture de tels animaux, la situation de l’intéressée paraissait, à la date de la décision attaquée, susceptible de régularisation, en l’absence en l’espèce de toute atteinte à l’un des intérêts susmentionnés.
« 13. Eu égard à l’ensemble de ces éléments, le moyen tiré de l’erreur de droit commis par le préfet en retenant que le « sanglier, directement prélevé dans la nature, n’a pas d’origine licite et ne pourra jamais en disposer », est propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision attaquée. »
… avec injonction faite à la préfecture de procéder à un réexamen de la demande, dans un délai d’un mois (sans astreinte).
Source :
TA Châlons-en-Champagne, ord., 16 janvier 2025, Mme Cappe, 2403226