Auteure : Julie Nicolas, doctorante
Dans un article intitulé « Le préjudice subi par l’animal », publié dans Les Cahiers de Portalis[1], le Professeur Fabien Marchadier envisage une hypothèse inédite en droit français de la responsabilité : la réparation autonome du préjudice subi directement par l’animal.
L’auteur rappelle qu’il est déjà arrivé que des juges français refusent d’indemniser le propriétaire d’un animal au titre d’un préjudice subjectif et affectif en se fondant sur l’absence de dommage subi par l’animal. Les souffrances de l’animal se sont donc révélées déterminantes dans la réparation du préjudice moral éprouvé par le propriétaire de l’animal.
Selon l’auteur, le préjudice subjectif et affectif enduré par le propriétaire d’un animal pourrait ainsi être analysé comme étant le reflet du dommage subi par l’animal lui-même puisque ses souffrances propres sont une condition de l’indemnisation du préjudice de son propriétaire. En somme, il n’y aurait pas d’indemnisation possible du préjudice du propriétaire sans souffrance de son animal.
Face à cette prise en considération des souffrances subies par l’animal, le professeur F. Marchadier estime qu’il ne parait pas insensé de reconnaître le préjudice subi directement par l’animal et de permettre son indemnisation de manière autonome.
Pour ce faire, plutôt que d’accorder la personnalité juridique à l’animal, il suffirait d’admettre que l’animal possède des intérêts juridiquement protégés, lesquels peuvent être lésés et donner lieu à réparation. La réparation du préjudice enduré directement par l’animal serait alors sollicitée par un représentant de ce dernier qui agirait en son nom et pour son compte.
L’auteur relève trois situations dans lesquelles la réparation autonome du préjudice directement subi par un animal semble nécessaire, en l’absence d’un intérêt humain véritablement lésé :
S’agissant des intérêts juridiquement protégés qui pourraient donner lieu à réparation au profit d’un animal, le professeur Fabien Marchadier se fonde sur plusieurs infractions pénales afin de les identifier. Il évoque ainsi le fait pour l’animal de ne pas subir d’atteinte à son intégrité physique[2] ou sexuelle[3], le fait d’être nourri et soigné[4] et, pour finir, le fait de vivre conformément à sa longévité naturelle[5].
Toutefois, seules les atteintes aux intérêts propres des animaux domestiques, apprivoisés ou tenus en captivité seraient source de réparation puisque les intérêts propres des animaux sauvages ne sont pas protégés à ce jour par notre droit pénal.
[1] https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-portalis-2022-1-page-27.htm.
[2] Article 521-1, alinéa 1, du Code pénal (délit de sévices graves et d’actes de cruauté) ; article R.654-1 du Code pénal (contravention de mauvais traitement envers un animal) ; article R.215-1 et suivants du Code rural et de la pêche maritime (infractions liées la violation des normes de bien-être en matière d’élevage, d’abattage ou de recherche).
[3] Article 521-1-1, alinéa 1, du Code pénal (délit d’atteinte sexuelle).
[4] Article 521-1, alinéa 11, du Code pénal (délit d’abandon).
[5] Article R.655-1 du Code pénal (contravention d’atteinte volontaire à la vie d’un animal) et article R.653-1 du Code pénal (contravention d’atteinte involontaire à la vie d’un animal).