Le tribunal administratif de Pau ( jugements n°1900399 et 1900400 du 19 janvier 2021) annule les arrêtés municipaux anti-divagation des ursidés dans les Pyrénées Atlantiques.
Auteure : Ivana Djordjevic, avocate
Saisi par le préfet des Pyrénées-Atlantiques, le tribunal administratif de Pau a annulé, le 19 janvier 2021, les arrêtés municipaux des maires de vingt communes[1] du département qui interdisaient la divagation des ours sur le territoire municipal[2].
Ces arrêtés avaient été pris entre le 26 septembre 2018 et le 25 octobre 2018 et se fondaient notamment sur l’article L.2212-2 du Code général des collectivités territoriales[3]. Cet article définit les composantes de l’ordre public, à savoir : le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Mais surtout, il prévoit en sept points les domaines d’intervention de la police municipale. Le septième point dispose que la police municipale comprend « le soin d’obvier ou de remédier aux événements fâcheux qui pourraient être occasionnés par la divagation des animaux malfaisants ou féroce ». Par conséquent, les maires peuvent prendre toute mesure nécessaire pour prévenir les risques sur les biens et les personnes du fait de l’errance d’animaux dangereux sur le territoire. C’est notamment sur ce dernier point que sont fondés les arrêtés des maires en 2018.
Dans les jugements n°1900399 et 1900400, le juge administratif, rappelant les arguments des maires (notamment, le refus de leur commune d’accueillir des ours réintroduits sur leur territoire et de ce fait, la présence illégale des ours) pour justifier leur intervention, les estime insuffisants dans la mesure où ils ne s’appuient sur aucune circonstance particulière relevée dans les communes qui mettrait en évidence la dangerosité de la présence d’ours. Autrement dit, selon le juge administratif, ces décisions ne sont pas justifiées car aucune circonstance factuelle de mise en danger des biens et des personnes sur le territoire des communes concernées n’a été rapportée.
De plus, le juge relève que ces arrêtés ne précisent pas « les mesures susceptibles d’être prises en cas de constatation de divagation de l’ours…. »
Il conclut, en conséquence, à leur caractère non nécessaire et non adapté à l’objectif de sécurité visé.
Les mesures contestées ne répondent en effet pas de façon satisfaisante au « triple test de proportionnalité », tel qu’exigé par le Conseil d’Etat c’est à dire être adaptées, nécessaires, et proportionnées à la défense de l’ordre public[4].
Enfin, le tribunal estimant que la portée de la mesure demandée par les maires « aux communes qui ont accepté ou accepteront la réintroduction d’ours (….) de cantonner les ours au strict périmètre de leur territoire », excède celle des limites territoriales des communes représentées par lesdits maires, en déduit que les arrêtés sont entachés d’erreur de droit.
À l’exception de l’argument selon lequel les arrêtés feraient obstacle aux actions de protection de l’ours décidées par l’Etat, le tribunal retient l’ensemble des arguments du préfet : absence de précision, caractère non nécessaire des mesures, erreur de droit, et annule, par conséquent, lesdits arrêtés.
Il convient de rappeler que ces derniers avaient été pris au lendemain de la réintroduction de deux ourses slovènes en Haut-Béarn[5], illustrant les tensions générées par la présence de ces plantigrades dans le massif pyrénéen.
[1] Il s’agit des communes de Lasse, Suhescun, Aramits, Arette, Eaux-Bonnes, Escot, Etchebar, Gère-Bélesten, Haux, Iseste, Issor, Laguinge-Restoue, Lanne-en-Barétous, Larrau, Laruns, Lourdios-Ichère, Ordiarp, Sainte-Engrâce, Lescun et de Sarrance.
[2] Jugement n° 1900399 : http://pau.tribunal administratif.fr/Media/TACAA/Pau/jurisprudence/2021/1900399_jugement_2021-01-19
et jugement n° 1900400 : http://pau.tribunal administratif.fr/Media/TACAA/Pau/jurisprudence/2021/1900400_jugement_2021-01-19
[3] https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000029946370/
[4] Arrêt « Benjamin », Conseil d’État, 19 mai 1933 et arrêt « Association pour la promotion de l’image et autres », CE, Assemblée, 26 décembre 2011.
[5] https://www.actu-environnement.com/ae/news/Deux-ourses-slovenes-reintroduites-pour-sauvegarder-espece-dans-Bearn-32133.php4