Fin de l’élevage de visons d’Amérique destinés à la production de fourrure et d’animaux d’autres espèces non domestiques destinés à la production de fourrure
Fin septembre 2020, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, annonçait une fermeture progressive des élevages de vison avec une échéance fixée en 2025. La Proposition de loi visant à renforcer la lutte contre la maltraitance animale, débattue devant l’Assemblée nationale, du 26 au 29 janvier, vient concrétiser cette annonce, en son article 15. Celui-ci propose en effet d’insérer dans le Code rural et de la pêche maritime, après l’article L214-9[1], un article L214-9-1 visant à interdire, dans un délai de deux ans, les élevages de visons d’Amérique et, dès à présent, les élevages d’animaux d’autres espèces non domestiques exclusivement élevés pour la production de fourrure. L’article 15 ajoute, en outre, l’interdiction de toute création, de tout agrandissement et de toute cession des établissements d’élevage de visons dès la promulgation de la loi. Deux éléments doivent appeler notre attention.
Premièrement, il est important de saluer la précaution de la formule choisie : les députés ont, en effet, décidé d’interdire les élevages de visons, mais pas seulement. L’interdiction a été étendue aux animaux non domestiques exclusivement élevés pour leur fourrure, dans l’objectif de prévenir l’apparition de tels élevages. Dès lors, les visons ne pourront pas être « remplacés », dans ces sordides cages, par des chiens viverrins ou des renards par exemple. C’est là un point important qui mérite d’être souligné.
Secondement, il faut revenir sur la question, bien plus délicate et source de division, des délais transitoires. Cette question est cruciale en ce qu’elle est intrinsèquement liée à deux points : celui du devenir des professionnels du secteur d’abord, celui de la santé publique ensuite. Concernant le premier point, il est évident que les délais transitoires ont pour but de permettre la reconversion en douceur des professionnels du secteur. D’ailleurs, lorsqu’en septembre, Barbara Pompili avait annoncé une fermeture progressive des élevages de visons, c’était une échéance en 2025 qui était fixée, de même qu’était promise à demi-mot une indemnisation. Mais, depuis lors, les suspicions de lien entre les élevages de mustélidés et la propagation de la Covid-19 se sont accentuées. Il est désormais avéré que les visons sont d’excellents hôtes pour le SARS-CoV-2 qui profite de cet accueil pour muter et se transmettre aux humains, mutation inquiétante car présentant le risque d’amoindrir l’efficacité des vaccins[2]. Réagissant à ces nouvelles découvertes scientifiques, un certain nombre de pays confrontés à des cas de contaminations dans les élevages de visons (au Danemark, au Pays-Bas, en Espagne, en Suède, en Italie, aux États-Unis mais aussi en France) ont ordonné l’abattage de tout ou partie de leur cheptel. C’est ainsi des dizaines de millions de visons qui ont été, ou sont en passe, d’être gazés (15 millions de têtes au Danemark qui compte plus d’un millier de fermes, 1000 têtes en France où l’on dénombre moins d’une dizaine d’élevages).
Devant ce constat alarmant, la fermeture immédiate et l’interdiction à l’avenir de ce type d’élevages semblaient s’imposer. C’est pourtant une voie médiane qu’ont choisi les députés français en janvier dernier : celle d’une interdiction progressive, à l’horizon 2023, comme cela avait été soutenu par la Commission des affaires économiques, et contrairement à l’avis du gouvernement qui avait déposé un amendement pour rétablir la date butoir à 2025, comme il l’envisageait initialement. Ce délai de deux ans ainsi voté demeure néanmoins surprenant au regard de la gravité de la situation sanitaire et des décisions de fermeture immédiate adoptées par plusieurs de nos voisins européens. La dimension économique doit-elle peser plus lourd que la dimension sanitaire ? C’est la question que devront se poser les sénateurs lors de l’examen de la loi.
Au-delà de cette problématique des délais transitoires, d’autres points suscitent encore l’interrogation. Ainsi en est-il du maintien de l’importation et de la commercialisation de fourrures étrangères, puisqu’en cette matière, la France semble fermement opposée à l’interdiction contrairement, notamment, à la Grande-Bretagne. De la même manière, en matière de production de fourrure, si le vison disparaîtra prochainement des élevages français, la spécificité du texte adopté en janvier omet un autre type de fourrure récoltée : celle des lapins Orylag, dont l’élevage est spécifique à l’Hexagone. Ceux-là, élevés à la fois pour leur fourrure et leur chair, ne semblent pas avoir les faveurs du législateur, bien que leurs conditions de détention posent finalement les mêmes questions que celles des visons.
[1] Art. L214-9 : « Dans les conditions fixées par arrêté du ministre de l’agriculture, tout propriétaire ou détenteur d’animaux non mentionnés au II de l’article L. 234-1 et destinés à la production de laine, de peau, de fourrure ou à d’autres fins agricoles doit tenir un registre d’élevage, conservé sur place et régulièrement mis à jour, sur lequel il recense chronologiquement les données sanitaires, zootechniques et médicales relatives aux animaux.
Le registre est tenu à disposition des agents habilités à rechercher et constater les infractions et manquements aux dispositions du présent chapitre.
Tout vétérinaire mentionne sur ce registre les éléments relatifs à ses interventions dans l’élevage.
La durée minimale pendant laquelle le registre est conservé est fixée par arrêté du ministre de l’Agriculture ».
[2] Bas B. Oude Munnink, Reina S. Sikkema, David F. Nieuwenhuijse, Robert Jan Molenaar et al., « Transmission of SARS-CoV-2 on mink farms between humans and mink and back to humans », Science, Vol. 371, Issue 6525, p. 172-177.